if i die young, bury me in satin

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Tu regardes tour à tour ton père, effrayée, tour à tour le vélo. Il en a retiré les roulettes, maintenant, c'est à toi de prendre ton envol. Tu montes timidement dessus, même si ça te fait un peu peur. Ton père t'encourage et à ce moment-là, tu espères qu'il sera toujours derrière toi comme aujourd'hui. Tu commences à pédaler, ton père tient fermement le vélo à deux roues, comme ceux des grands. Tu inspires et expires rapidement, tu roules, tu ne tombes pas. Et ton père n'est plus derrière toi.

Il est tout pâle, pâle comme la mort. Et tu sais que c'est la fin. Ce jour où il t'a appris à faire du vélo, il est loin, déjà. Maintenant, tu vois ton père, ton héros décliner, mourir à petit feu, ruiné par le cancer. Tu lui serres la main, et tu te sens totalement impuissante. Qu'est-ce que tu pourrais faire de plus, de toute façon ? Mais lui, il était là, toujours prêt quand toi tu en avais besoin. Tu te sentais mal, parce que même si c'était ridicule de t'en vouloir, tu ne pouvais pas t'en empêcher.

Depuis des semaines, tu es enfermée dans ta chambre, prisonnière de tes larmes, cachée sous tes couvertures. Et tu manges, tu manges jusqu'à t'en dégoûter, mais au fond ça te fait te sentir mieux, alors tu continues. Tu es seule. Ta mère est là, ta mère essaye de te parler, mais c'est comme parler à un mur, tu ne lui réponds rien, le silence s'installe dans la maison, cette maison si joyeuse avant...Tu étais là, quand il est mort. Tu l'as vu s'éteindre, tu l'as vu quand il a dit qu'il vous aimait, toi et ta mère. Cet homme si fier, qui n'était plus que l'ombre de lui-même. Les vacances d'été étaient là, ton anniversaire tout proche, mais ton coeur n'était pas à la fête, c'était ton père, qui avait été enterré.

Les vacances ont passé, ton chagrin ne s'est pas envolé. Tu as pris du poids, un peu, c'est vrai, mais ça n'a plus d'importance. Il ne t'appelera plus jamais sa princesse en te faisant virevolter, tout ça, c'est fini et tu ne veux pas l'accepter. Ce qui est légitime. Tes camarades te regardent différemment, depuis cette rentrée-ci. Tu es la fille qui a perdu son père, après tout et ce genre de chose, ça "n'arrive qu'aux autres". Tu n'as plus goût à rien, de toute façon. Tes amies comprennent, mais elles finissent par se lasser, tu deviens trop déprimante. Tu n'as jamais eu beaucoup d'amis, tu es trop timide pour ça. Maintenant, tu te retrouves seule. Tes amies n'étaient qu'hypocrisie, et ça, tu ne le remarques que maintenant. C'est tout toi, ça. Il te manque, mais peu importe, tout le monde a fini par oublier ce tragique événement, à la fin de l'année.

Le lycée. Tout le monde te regarde de travers. Tu rougis, tu baisses les yeux, tu essayes d'être discrète, mais apparemment, non, tes kilos en trop ne passent pas inaperçus. Ils le savent. Ils savent que tu es plus faible, qu'on t'atteint plus facilement que les autres. Ce n'est que plus amusant, de te voir perdre tes moyens, de voir tes larmes couler. Ils savent comment faire mal, et le pire c'est qu'ils visent juste. Ton coeur se serre, tu te demandes chaque jour ce qui ne va pas avec toi. Les amies de ta mère disent que tu es "belle de visage". Mais belle de visage, qu'est-ce que ça veut dire ? Est-ce que les gens ne peuvent pas simplement t'accepter comme tu es ? Pourquoi est-ce que ton poids, ton physique est un problème ? Tu vois leurs regards rieurs, ils s'amusent de toi, tu regardes ton casier et tu arraches un énième mot te rappelant à quel point tu es inutile.

La vie active. Ton travail, il n'est pas censé être aussi dur, à la base. Mais lui aussi, il sait. Il sait à quel point tu es si facilement manipulable. Il sait que tu es impuissante, que de toute façon tu ne peux rien refuser. Ton patron, il est difficile. Il te fait souffrir autant que les autres, il sait où ça fait mal, lui aussi. A croire que tout le monde le sait. Avec lui, tu as l'impression de revivre tes années lycée. Et ça te fait mal, parce que ça te fait penser que tu n'es qu'une moins que rien. Tu sais que tu es piégée. Comme un oiseau en cage. Ton patron, il t'a, tu ne sais pas pourquoi tu ne réussis pas à partir, à quitter ce maudit travail qui te lie à lui, tu ne sais pas pourquoi tu te sens obliger de rester à sa botte, de rester son esclave personnelle. Tu as mal, mais il y a des jours où ça va mieux. Demain sera définitivement un jour meilleur.

BIENVENUE ! Adèle est vraiment un super choix.

Bérénice Thénardier a écrit:

Je n'hésiterai pas à me harceler moi-même, t'inquiètes.

bienvenue en retard