if i die young, bury me in satin

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Les mains crispées sur le volant, le casque dressé sur sa tête, Ansley faisait vibrer le moteur de sa caisse en attendant le top départ. De sa place il lui était impossible de les voir, mais toute sa famille, ses amies, sa petite amie, étaient installés dans les gradins pour le soutenir. Une alarme et toutes les voitures démarrèrent. Son pied exerçait désormais une pression constante sur l'accélérateur, jaugeant la vitesse de la voiture en alternant avec la pédale de frein. Ses dérapages étaient parfaits et Ansley se hissa assez rapidement en tête du classement. Les tours s'enchaînaient et il bataillait pour décrocher la première place, zigzaguant parfois à travers la piste. Pris d'amertume ou simplement parce qu'il lui était impossible de perdre face à un mioche tout juste majeur, son concurrent premier, manqua à plusieurs reprises de le percuter. Pourtant, Ansley n'en démordait pas, cette victoire, elle était pour lui et pour ses proches. Il accéléra alors encore un peu, tentant par la même occasion de gagner de la distance, mais c'était sans compter le choc qui se produisit entre les deux voitures, détournant celle d'Ansley de sa trajectoire. Il avait perdu le contrôle du véhicule et à cette allure les freins n'étaient pas d'un grand secours. Alors, ce qui devait arriver arriva et ce fut la colision. La voiture se brisa contre l'un des murs délimitant la piste. Sonné et prêt à défaillir à tout instant, Ansley eu tout de même le réflexe de se hisser en dehors de la voiture. A peine eut-il le temps de s'en extirper, celle-ci prit feu. Face à la douleur, ses yeux se fermèrent sans qu'il ne puisse faire quoi que ce soit pour les retenir et se fut le noir complet. (...) Des paroles à peine audibles, une lumière aveuglante et cette constante douleur au niveau de sa jambe droite qui atténuait celle due à la pression sur son torse. Puis le calme, la paix, une sensation de bien être. Où allait-il ? (...) La vue encore brouillée, Ansley découvrait petit à petit la chambre dans laquelle il avait d'urgence été transporté. Une sensation de chaleur contre sa main lui fit tourner la tête dans sa direction. C'est alors qu'il la vue, à moitié endormie, le teint pâle. Un sourire se dessina instantanément sur son visage et son coeur se mit à battre vite, peut-être un peu trop puisque les bips de la machine à laquelle il était relié s'accentuèrent la sortant par la même occasion de son semi-sommeil. Elle avait le regard cerné et ses yeux, rouges d'avoir pleuré, scintillaient au gré de la lumière de la pièce. « T'es belle. » furent les seuls mots qui lui vinrent à l'esprit. Alors, elle se mit à sourire à son tour et elle se pencha afin de déposer un baiser tendre contre tes lèvres. « Mais t'aurais pu prendre une douche, tu pus le pneus. » déclara-t-il ironiquement. Sa mine faussement outrée le fit fondre et elle vint lui taper gentiment l'épaule. « Idiot. » grommela-t-elle avant de rire doucement. Ansley décida ensuite de se redresser un peu, trouvant la position allongé légèrement inconfortable et sentant désormais presque des fourmis lui parcourir le corps. Mais la douleur le rappela à l'ordre et c'est dans une grimace qu'il se relaissa tomber contre l’oreiller. (...) « Jamais ? » Ansley venait d'apprendre l'une des pires nouvelles qu'on puisse lui annoncer, celle de la fin de sa carrière, de son rêve. Durant l'accident, un bout de métal du tableau de bord c'était encastré dans son tibia causant des dommages incontestables. « Vous savez, nous avons fait de notre mieux. Il était déjà fort probable que vous ne puissiez plus faire usage de votre jambe ce qui n'est plus le ... » - « Non non, il doit y avoir erreur, il y a bien quelque chose que je puisse faire. Du repos ? Si c'est des mois de repos qu'il me faut, ça me va, mais pas jamais. » Sa voix se brisa sur ce dernier mot et le regard du médecin tomba en direction de ses pieds. Sans qu'il ne les sente arriver, des perles de larmes vinrent se hisser au creux de ses yeux et couler le long de ses joues. Quelques heures plutôt, il se trouvait sur la piste, prêt à conquérir son rêve, tracer son avenir et voilà que maintenant, dans ce lit d’hôpital on lui annonçait que tout ceci n'arriverait jamais. Il était bon pour la casse, bon pour une retraite anticipée.

Laissant la Suisse et tous les souvenirs qu'elle lui rappelait derrière lui, Ansley fit ses bagages et prit la route en direction de la capitale française. Là-bas, ses grands-parents l'accueilleraient avec bonté et un des meilleurs kinésithérapeute le prendrait en charge. Mais tout ceci n'était qu'un prétexte, les soins, le besoin d'espace, du pipo. L'unique raison de son départ était qu'il n'était pas assez fort pour rester dans cette ville où tout lui rappelait sa souffrance, ses rêves de gloires éteints. Alors, il était parti, comme un lâche. (...) Légèrement penché par la fenêtre, Ansley observait la vue que lui offrait l'appartement au dernier étage d'un immeuble situé non loin du Trocadéro. Des toits à perte de vue, puis la tour Eiffel. C'était beau, mais il ne le voyait pas. Ansley était arrivé à Paris quelques mois plus tôt, il avait commencé ses séances de rééducations et ne quittait d'ailleurs l'appartement spacieux de ses grands-parents que pour se rendre chez son médecin traitant. Autrement, il passait ses journées à broyer du noir, dopé à ses anti-douleurs et à cette foutu clope dont la nicotine atténuait soit disant sa nervosité. Un son émit par son ordinateur le sortit de ses songes et il jeta sans gêne son mégot à travers la fenêtre avant de rejoindre son lit en boitant. C'était sa chérie, sa douce, sa tendre, qui l'appelait pour une session skype. Il appuya machinalement sur le bouton accepter, ancra un sourire moyennement faux sur son visage et se redressa face à la caméra. « Coucou mon ange. » Ces mots il les pensaient, sincèrement, mais ils sonnaient faux. Plus rien n'avait de goût pour lui, pas même elle, pas même la vie. Ils échangèrent quelques mots, puis elle s'effondra. La tête enfouie entre ses mains, elle tentait en vain de camoufler ses larmes qui se déversaient en cascade le long de ses joues rosées. « Oh non arrête, pleurs pas, s'il te plait. » Il était touché et lui aussi était prit d'une envie soudain de fondre en larmes, mais il se retint. Il ne voulait pas pleurer, pas pour ça, pas pour un rien. Même si chaque nuit, lorsqu'il réalisait que le cours de sa vie était désastreux, il se laissait aller à sa faiblesse, à sa tristesse. « J'y peux rien. Tu me manques mon coeur, plus que tu ne peux l'imaginer et j'ai parfois l'impression que ce n'est pas réciproque. » - « Quoi ? Non dis pas ça, bien sûr que tu me manques, c'est juste que c'est difficile en ce moment, tu comprends. » Elle releva la tête, estompa le restant de larme qui lui brouillait la vue, puis ajouta doucement. « Je sais, mais comprends moi toi aussi. A chaque fois qu'on se parle c'est par caméra interposées et j'ai toujours l'impression que même si tu es là, face à moi, tu restes absent. » Elle n'avait pas tord et il le savait pertinemment. Seulement l'avouer était bien plus difficile que ce qu'on pourrait imaginé. « Désolé je dois te laisser, il faut que je me prépare, j'ai une séance dans moins d'une heure ... » - « D'accord ... essaye de m'appeler en rentrant. Je t'aime. » - « Je t'aime aussi. Bisoooous. » Peu à peu leurs appels se firent de plus en plus rares, leurs conversations de moins en moins fréquentes et leur relation s'était éteinte, à son tour.

Trois ans, cela fera bientôt trois ans qu'Ansley est partie de sa Suisse natale. Sa rééducation pourtant terminée, il n'avait toujours pas pris de billet retour. Son hygiène de vie était désastreuse, accroc à ses pilules, il prétextait la douleur de sa jambe à celle du manque. Ses grands-parents, déconcertés de le voir s’engouffrer dans cette spirale infernale, l'avait prier de sortir, de prendre l'air. C'est alors qu'il commença à arpenter les bars, le soir. Il picolait un ou deux verres, jamais plus et rentrait encore moins commode que lorsqu'il était parti. Puis un jour, tout changea. Alors qu'il s'apprêtait à rentrer dans un bar ou plutôt dans ce qui pourrait s'apparenté à un pub, Ansley se retrouva nez à nez, lèvres contre lèvres avec une charmante demoiselle qui, une fois ce baiser volé, se rua dans ses bras. « Fais comme si tout était normal. » chuchota-t-elle à son oreille. Perplexe et encore sonné par cette surprise, Ansley se laissa faire. « C'est lui, mon fiancé. Donc maintenant que les présentations sont faites, lâche tes sales pâtes de mon derrière, merci ! » Ansley s'efforçait de sourire même si la situation lui échappait totalement. Elle l’entraîna alors joyeusement en direction du bar puis déposa sa main sur sa cuisse avant de mimer un éclat de rire lorsque celui-ci lui demanda des explications. Puis elle continua ce stratagème jusqu'à ce que le gros lourdingue, comme elle aimera l'appeler, ne quitte le bar. « Ouuuf, je pensais qu'il partirait jamais. En tout cas merci beaucoup, je t'en dois une bonne. Moi c'est Pauline, mais je préfère que les gens m'appelle Pollie. » - « Ansley, heureux de faire la connaisse de ma ... fiancée. » Son rire cristallin lui ébranla le coeur. Puis elle lui expliqua tout, elle lui raconta que ce mec à qui ils avaient eu à faire tout à l'heure la suivait depuis un bon bout de temps et qu'elle n'avait pas trouver mieux pour s'en débarrasser que de prétendre être fiancé à un bel anglais. « Parce que tu trouves que j'ai une tête de british en plus ? » Ils se mirent à rire et ce fut la première fois depuis bien longtemps qu'Ansley ne se sentit aussi bien. Les heures parurent des minutes et les minutes des secondes. La fermeture du bar arriva sans qu'ils ne se rendent compte du temps qu'ils avaient passer à siroter leurs cocktails et discuter ardemment. Dans la rue, elle se mit à virevolter. Les yeux clos, les bras tendus à l'horizon, elle tourbillonnait doucement sur elle même. « Tu as déjà visité Paris, Ansley ? » Celui-ci arqua un sourcil puis fit mine de réfléchir avant de répondre innocemment. « Les bases, quand j'étais petit ... La tour Eiffel, le musé du Louvre, ... » Elle se stoppa net, puis leva les yeux au ciel. « Je veux parler du vrai Paris, le beau, le pur, le féerique Paris. » Face à l'incompréhension et à la perplexité du jeune homme, elle se mit à rire une fois de plus perçant le silence de la nuit. « Viens, suis-moi. » Elle lui attrapa la main et l'entraîna doucement, arpenter ces lieux fabuleux, observer ces paysages merveilleux, découvrir un nouveau monde. Cette fille, elle ne parlait que par énigme, elle était un mystère à elle toute seule. Cette fille avait la joie de vivre, elle dégageait une aura apaisante et généreuse. Cette fille, cette Pollie, c'est elle qui l'a sauvé. Il était au plus mal, au plus profond et elle lui a fait sortir la tête hors de l'eau. Son rire lui a redonner goût à la vie et si, aujourd'hui il a trouvé le courage de revenir parmi les siens, de reprendre la route pour la Suisse, c'est entièrement grâce à elle et ça, jamais il ne l'en remerciera assez.