if i die young, bury me in satin

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On ne peut jamais savoir ce qu'il se passe dans la tête d'un enfant de cinq ans lorsque celui-ci apprend que son père, son héros, son modèle, ne viendra plus jamais dans sa chambre lui raconter une histoire ou l'embrasser sur le front en le piquant avec sa barbe naissante. Pourtant, lorsque le professeur de Jay lui a demandé ce que faisait son papa comme métier, le garçon s'est levé de sa chaise, a regardé droit devant lui et ce fut avec une étonnante simplicité qu'il aligna ces quelques mots. « Mon père est une étoile, son seul travail est de veiller sur maman et moi. » Puis il s'est rassit, laissant planer dans la classe un lourd silence que personne n'osait briser, pas même les habituels turbulents du fond de la pièce. Même si Jayden ne semblait pas avoir eu trop de mal à s'habituer à l'absence de son paternel, l'éclat qui brillait autrefois dans ses yeux noisettes s'était fortement atténué, laissant place à un regard las et fatigué. Fatigué de voir sa mère sombrer un peu plus chaque jours, fatigué de voir ces pères venir chercher leur enfant à quatre heures à la sortie de l'école. Il était obligé de garder le sourire pour sa mère, pour ne pas qu'elle se laisse mourir à son tour afin de rejoindre son bien aimé. Son fils était tout ce qu'il lui restait à présent et ses sourires étaient ce qui lui permettaient de tenir le coup. À l'école, Jay n'avait jamais eu beaucoup d'amis. Il allait souvent dans le préau de la cour s'asseoir dans un coin pour grignoter en silence et observait les enfants jouer. Il profitait de ces moments de solitude pour extérioriser toute cette douleur qu'il enterrait au plus profond de lui, laissait quelques larmes mouiller ses joues avant de revenir près de sa mère et de lui raconter la journée des enfants qu'il observait comme si cela avait été la sienne.

Jayden grandissait, et l'état de sa mère ne s'améliorait pas. Elle n'avait toujours pas reprit le travail et s'endettait énormément à cause du manque d'argent. L'ambiance à la maison était souvent très tendue entre la femme au foyer et le jeune adolescent qui ne supportait plus de vivre dans des conditions pareilles. Souvent, des disputes éclataient et Jay allait s'enfermer dans sa chambre à double-tour. Il se munissait de sa guitare - celle qui avait appartenu à son père - et allait se perdre dans son propre univers. Jouer le détendait, l'aidait à y voir plus clair. Il emportait son instrument partout avec lui et inventait beaucoup de compositions. Malgré leur situation désespérée, il continuait d'espérer chaque jour que sa mère se reprenne enfin en main et qu'elle recommence à travailler. Qu'une fois au moins, la chance puisse leur sourire. Un jour, alors que Jayden jouait de la guitare dans un parc de la ville, une jeune fille de son âge est venue s'asseoir à coté de lui. Il s'est immédiatement arrêté de jouer mais elle l'a imploré d'une voix enjouée de continuer, stipulant qu'elle adorait cette chanson. Il finit donc wonderwall sous le regard émerveillé de l'inconnue. Lorsqu'il eut fini, elle se hâta de se présenter.
« Kiara. » avait-elle dit en lui souriant. Kiara était dans son lycée et il ne l'avait pourtant jamais remarquée. Elle était visiblement très bavarde mais semblait extrêmement gentille et d'une douceur incomparable. Elle lui raconta ensuite qu'elle l'avait souvent entendu jouer et qu'elle était tombée sous le charme de son talent. C'était la première fois qu'une personne se montrait aussi attentionnée avec Jay mais également la première fois qu'il arrivait à rire avec quelqu'un qu'il ne connaissait que depuis quelques minutes. Kiara s'en alla mais lui laissa son numéro pour qu'ils se revoient un jour ou l'autre.

Jay ne mit que quelques jours avant de se décider à appeler Kiara. Ils se donnèrent rendez-vous au parc d'abord une fois, puis une seconde fois dans un bar, et ainsi de suite. Kiara était la seule personne capable de comprendre Jayden et elle réussissait à l'impressionner chaque jour, que ce soit grâce à ses goûts musicaux identiques aux siens ou même rien qu'avec cette facilité qu'il avait à lui parler de lui. Petit à petit, à force de passer du temps avec Kiara, il arrivait même à connaître ces tics qu'elle avait sans même s'en rendre compte. Par exemple, elle possédait cette manie de mordre sa lèvre inférieure lorsqu'elle réfléchissait ou encore de plisser les yeux quand elle se concentrait pour l'écouter. Sûrement tentait-elle d'imaginer comment pouvait être la vie chez lui vu que jamais il ne l'avait invitée ni ne l'invitera dans sa maison. Non pas qu'il avait honte de sa mère, mais il refusait que sa nouvelle amie le prenne en pitié, comme le faisait tous les autres. Grâce à Kiara, Jay réussit à trouver cet emploi dans un café qu'il gardera pendant plus de deux ans. Elle fut aussi une grande source d'inspiration pour bon nombre de ses chansons, devint rapidement une des personnes les plus importantes à ses yeux. Elle ne vivait que quelques maisons plus loin de celle du jeune homme et donc, très souvent, ils faisaient le chemin à pieds du lycée jusqu'à chez elle et il restait souvent une heure ou deux pour discuter, regarder un film, ou même écrire ses chansons quand il ne travaillait pas au café. Ils étaient devenus inséparables, se voyaient tous les jours et passaient même chaque temps de midi ensemble dans la bibliothèque, riant derrière des livres pour ne pas se faire remarquer. Les semaines passaient sans qu'ils ne se lassent l'un de l'autre. Déjà à seize ans, ils imaginaient leur avenir. Kiara voulait partir vivre en Suisse et faire de la colocation avec Jayden. Il pensait qu'elle plaisantait, mais la jeune fille semblait tellement enthousiaste par rapport à ses projets qu'il ne pouvait s'empêcher de lui promettre de tout faire pour les réaliser.

L'hiver s'en alla, laissant place à un printemps aux journées plus chaudes et ensoleillées. Un matin, alors que Jay venait de se lever, sa mère était assise à la table de la cuisine, une lettre entre les mains. En voyant son fils arriver, elle lui sourit et se leva avant de lui tendre le papier. C'était de sa tante, la soeur de son père. Elle leur faisait don d'un chèque de sept milles euros. Le regard de la mère du jeune homme n'avait plus brillé ainsi depuis des années. Enfin, la vie leur souriait. La mère semblait à présent d'attaque pour reprendre un petit boulot et comptait se servir de l'argent pour refaire du ménage dans leur petite vie. Sous le coup de l'émotion, Jay est sortit de leur maison et s'est dirigé vers celle de Kiara en courant à travers les rues. Lorsqu'il a sonné, personne n'est venu lui ouvrir. Peut-être étaient-ils partis faire des courses, mais un dimanche cela semblait étrange. Jayden a toqué et là, la porte d'entrée s'est ouverte dans un grincement. Curieux, il est entré et a découvert avec horreur une maison entièrement vide. Ils n'étaient plus là. Kiara avait déménagé sans lui en toucher un mot. Ce jour qui s'annonçait merveilleux devint le pire jour de sa vie après la mort de son père.

Jayden fêta ses dix-huit ans peu de temps après. Il n'avait plus qu'une envie, partir loin de l'Angleterre, oublier son ancienne vie et tout recommencer. Certes, sa mère lui manquerait, mais maintenant qu'elle avait un boulot et qu'en plus elle recommençait à voir des hommes, il savait qu'il n'avait plus rien à craindre. Ce fut donc hier soir qu'il embarqua dans l'avion après avoir prit sa mère dans ses bras et passé plus de cinq minutes à sécher ses larmes en lui promettant qu'il viendrait souvent la voir. Dans l'avion, Jay tenait une photo qu'il venait de dépliée hors de la poche de son pantalon. Il l'a regardée un instant, détaillant les traits de Kiara, se remémorant le son de sa voix. Il l'a ensuite rangée et s'est assoupi dans l'avion. Il gardait l'espoir de la revoir un jour. De l'espoir, encore et toujours.

Milo Chatelain a écrit:

SOOOO. mon dieu que ça me fait bizarre, ça fait une éternité je crois qu'on ne s'est plus croisées quelque part ! ton choix est superbe, bienvenue.